D’Albrecht à Bosch, de Savery à Poussin, de Rubens à Fouquières, de Ruysdaël à Fragonard, d’Hubert Robert à Constable, sans oublier Turner, Corot, Courbet, Calame, Van Gogh, Cézanne, Klimt, Kupka, Mondrian, Olkeele, la liste est incomplète, mais montre puissante et inépuisable, l’image de l’arbre, imprégnée de toutes les cultures du monde.

Il nous abrite, nous nourrit et maintient la vie sur la planète telle que l’homme la connaît et si pour André Malraux, « l’arbre est une image naïve, simple, usée, qui appartient à l’indestructible bazar des vieilleries de l’imaginaire humain », pour Sara Domenach, l’image de l’arbre occupe dans son œuvre la place centrale « comme arbre sacré, arbre cosmique, arbre de la connaissance, arbre généalogique, arbre de la liberté, arbre des morts. Forme à la fois phallique et maternelle qui renvoie notre civilisation à des constellations de significations » comme l’explique Michel Racine dans sa préface pour Arbres (carnets de dessins).

 

Jungle, racine, jardin, vénéneuse, ventre cactus paradis, jouet d’enfance, Bibemus, bouquet, Sara Domenach invente une jungle qui n’est pas "représentatrice de sensations rapportées d’un voyage, mais plutôt pour symboliser un monde chaotique qui a sa logique interne ; amas inextricable et inextripable où il est facile de se perdre" et où le législateur n’a pas sa place.

"Une fiction que seuls les contes de fées ou les œuvres d’art peuvent investir", nous dit-elle.

 

Passer dans un monde archaïque, se lier à la nature sauvage : s’animaliser. C’est par une porte, bouche géante, broyeuse de mémoire qui vous engloutit, vous digère et vous plonge dans un autre monde : le passage à l’espace fictionnel où les rêves d’enfants s’entassent en rebut oublié.

 

Où les sapophytes se régalent de la terre décomposée, où la saponaise mousse comme un savon, où le tigre sort plus d’une page arrachée au petit Larousse que la nuit des temps, où vulpin devient renard, et la vrille ensorcelle la labiée velue à l’odeur de menthe, où la melampyre parasiteuse cotoie l’élodie, où la verveine, et la digitale se tutoient ; où la dionée complote avec la belladone pour un ultime dessein, où les rhizomes des bambous avides de conquêtes dévorent l’humus des scolopendres voisines incapables de se défendre malgré leurs fers de lances, où le boyscout perdu croit encore au paradis.

 

Mais où la toile peinte par Sara n’est plus un leurre, mais devient l'alchimique magie, qui nous fait entrevoir le cosmique, croire au sacré, et regarder la vie sans avoir peur de la mort.

 

 

 

 

Laissons à Sara le dernier mot :

 

Le chaos de la forêt vierge suggère une organisation dans laquelle nous aurions pu choisir de vivre, un monde sauvage existe en nous, de ce monde intérieur peut surgir la forme impérative du désir que cette jungle cache, assumer notre animalité pour déceler les arcanes de la nature humaine incontrôlable et inconvenable.

 


ps :
Sara Domenach fut l’une de mes dernières élèves à l’ENSBA, peut-être a-t-elle inconsciemment influencée ma retraite près du « chêne de la truie » à la limite du Loiret et du Loir-et-Cher aux Vernous, une des plus profondes forêts de la Sologne.

Michel Gemignani

 

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